Par Nabil Rajab, militant bahreïni pour les droits de l’homme, depuis la prison de Manama
Alors que la tragédie de la crise des réfugiés bat son plein, il apparaît clairement que les conséquences des politiques européennes au Moyen-Orient avant et depuis le « printemps arabe » de 2011, se répandent maintenant en Europe. La France a été activement impliquée dans deux crises prenant place dans la région – la Syrie et la Libye. Pour cette dernière, c’est le gouvernement de Nicolas Sarkozy qui a mené les bombardements contre les forces de Mouammar Kadhafi, aux côtés de la Grande-Bretagne.
La chute du dictateur était méritée, mais les forces occidentales se sont retirées immédiatement après, sans aider la Libye à mettre en place un consensus post-Kadhafi. Les conséquences ont été dévastatrices. S’en est suivi l’essor de l’Etat islamique, issu des conflits en Irak et en Syrie, la pire manifestation d’une idéologie violente qui reçoit encore le soutien de plusieurs Etats du Moyen-Orient.
Les pays européens doivent participer à l’effort visant à remédier à ces problèmes et doivent, pour ce faire, remporter la guerre des idées opposant la démocratie et les droits humains à l’autoritarisme et la violence. Pour soutenir ces concepts au Moyen-Orient, ils doivent être prêts à faire front aux monarchies du golfe Arabo-Persique.
Les Etats du Golfe affirment être des alliés dans la bataille contre l’extrémisme, alors qu’ils ont alimenté la crise. Les alliances occidentales doivent reconsidérer le soutien qu’elles apportent à ces monarchies. La France et l’Allemagne sont maintenant les deux cœurs battants de l’Europe. Elles doivent toutes deux mettre en œuvre leurs valeurs.
J’écris depuis une prison de Bahreïn, où j’attends d’être jugé pour avoir critiqué le bombardement du Yémen par l’Arabie saoudite et pour avoir révélé les actes de torture commis dans les prisons de mon pays. Je risque pour cela quinze ans de prison. En septembre, quand j’ai écrit une lettre ouverte à l’administration des Etats-Unis, le gouvernement de Bahreïn a porté de nouvelles plaintes contre moi pour atteinte à la réputation du pays.
Mon procès n’a rien d’exceptionnel, il est ordinaire. Des milliers de Bahreïniens sont en prison pour avoir exprimé des critiques et manifesté contre le gouvernement. Des milliers d’autres ont été tués à travers le monde arabe pour avoir osé exercer leur droit à l’autodétermination. C’est profondément consternant.
Les partisans de la paix en prison
En 2011, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis ont envoyé des troupes à Bahreïn pour écraser les manifestants prodémocratie ; ces mêmes pays sont à l’origine d’une crise humanitaire au Yémen. La communauté internationale aurait pu s’opposer au rôle négatif joué par les monarchies du golfe Arabo-Persique à de nombreuses occasions depuis 2011, mais elle ne l’a pas fait. Le soutien européen accordé à l’Arabie saoudite, aux Emirats arabes unis, à Bahreïn et à leurs alliés par le biais de coopération en matière de sécurité et de ventes d’armes n’a fait que s’accroître.
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